THE AMAZING WEEK #56 : la fin de Krakoa
Critiques de comics V.O. des séries X-MEN publiés entre le 29 mai et le 5 juin 2024.
Le 24 juillet 2019, ma vie de lecteur de comics et de fan des X-Men allait être chamboulée. HOUSE OF X #1 sortait. Je me rappelle encore des conversations endiablées sur WhatsApp avec les ami.e.s Toine, Aurélien, Paula et Yoyo. Je me rappelle également avoir croisé le soir Maxime Garbarini (grand fanboy des X-Men par excellence) près de Pulp’s en train de ranger son comic dans son sac, l’excitation de le lire était palpable. Je ne me rendais pas encore compte que ce n’était que le début d’une grande saga, et que les fondations de l’âge de Krakoa n’étaient pas encore dévoilées. Très vite, la série complémentaire POWERS OF X et la suite de HOUSE OF X allaient nous époustoufler, permettant à d’autres auteurs et autrices de pouvoir se réapproprier les X-Men.
L’idée repose sur un fait simple : face à la haine, Charles Xavier et Magneto réalisent leur plan d’une vie : bâtir une nation où tous les mutants et mutantes de la Terre pourraient vivre en paix. Cela arrive à point nommé lorsque l'extrémisme anti-mutant commence à devenir de plus en plus puissant. En effet, l’organisation Orchis - formée d’anciens membres d’Hydra, de A.I.M. et du S.H.I.E.L.D. notamment - est sur le point de créer leur arme de destruction massive, Nimrod [bien que cela ne soit révélé que plus tard dans l’histoire].
Ainsi, Xavier et Magneto montent une nation avec un Gouvernement étrange composé d’anciens X-Men, mais aussi de leurs anciens ennemis. Krakoa naît et ses us et coutumes représentent toute la diversité de l’espèce mutante.
Au fil des temps, Krakoa va gagner en puissance jusqu’à prendre une place importante sur l’échiquier politique mondial. Plus forte que jamais, elle va résoudre un problème massif d’immigration de mutants et mutantes venu.e.s d’une autre dimension en leur offrant une terre d’accueil sur Mars. Forcément, ces méthodes radicales gênent les bigots qui commandent Orchis. Ceux-ci tentent de s’en prendre à Arakko (la planète qu’on appelait Mars avant) ou à l’image publique des X-Men et de Krakoa.
Oui, au sein de Krakoa, tout n’était pas parfait. Les petites vengeances, les manipulations, les trahisons, les grands mensonges, et certaines décisions extrêmes prises par le conseil à la tête de la nation faisaient du mal. Mais, au sein de la population, les mutants et mutantes arrivaient à trouver du bonheur et du réconfort, tout en montrant leur ouverture d’esprit promettant un avenir radieux non seulement pour les mutant.e.s, mais aussi leurs allié.e.s et leurs clones (y en a beaucoup).
Orchis continuait à œuvrer pour détruire Krakoa. Après avoir révélé le plus grand secret de Krakoa et s’être alliée avec une ancienne alliée de Xavier et Magneto, l’organisation allait saboter le grand événement public organisé par Krakoa, le Hellfire Gala. Orchis va alors ordonner à Xavier de faire partir l’espèce mutante sur Arakko via les portails conçus par Krakoa. Sauf que ces derniers ont été sabotés, et chaque mutant et mutante qui rentre dedans est tué.e. Xavier voit alors un véritable génocide. Mais, Orchis va alors sacrifier quelques humains et faire porter le chapeau à l’espèce mutante afin que l’opinion publique se range naturellement aux côtés de l’organisation anti-mutant. Les humains qui ont accepté les X-Men en plein cœur de New York City se voient les détester, et la nation Krakoa n’existe plus en tant que telle, l’île sur laquelle elle était fondée doit aussi survivre.
Le peu de X-Men qui ont survécu au Génocide vont alors tenter de parvenir à bout d’Orchis, parfois en utilisant des méthodes radicales. Mais, il n’est plus question de faire dans la diplomatie et le super-héroïsme, il est question de survivre. Même les super-allié.e.s des X-Men les abandonnent, seul Iron Man leur vient réellement en aide. Les autres doivent certainement penser que leurs gestes de bravoure ne sont pas politiques.
Toute cette histoire est terminée. Elle était riche en événements et elle reflète tellement bien notre société sur tellement de points. Bien évidemment, la lutte contre Orchis fait penser au conflit Israélo-Palestien, d’une manière simplifiée (afin d’être digeste) et romancée pour laisser la part belle aux X-Men, mais les auteurs et autrices - qui s’engagent en ligne contre le massacre de Gaza - ont su capter l’essence de ce conflit qui est passé à la vitesse supérieure le 7 octobre dernier. Certains éléments comme le Génocide d’une nation suite au massacre de quelques personnes sont même passés de la fiction à la réalité, malheureusement. Et, encore, la fiction est moins tragique puisque les humains sont manipulés par des machines sans scrupules qui veulent également leur extermination.
Et puis, là, en France, aujourd’hui, la réalité dépasse aussi la fiction. L’extrémisme est aux portes du pouvoir, les opprimé.e.s sont plus que jamais menacé.e.s. Nous n’avons pas de héros et héroïnes parfait.e.s pour nous sauver, mais il y a une lueur d’espoir, et il faut aller parfois contre ses convictions pour éviter le pire. Oui, l’image publique de cet espoir est sali, montrant certains dysfonctionnements, mais le seul but des gens qui appuient dessus, c’est de nous voir franchir des portails et qu’on les laisse tranquille. Je ne vais pas me laisser faire, j’espère que vous non plus ! Notre seule arme aujourd’hui est le vote !
La semaine du 29 mai est quelque peu particulière dans le sens où Marvel Comics a publié les pénultièmes numéros des séries X-MEN de l’âge de Krakoa. J’ai toujours du mal à voir cette époque si prolifique s’arrêter.
Je suis un énorme fan des X-Men. Je me rappelles découvrir les comics des Vengeurs, de la Division Alpha, ou de Daredevil et adorer ce que je lisais, mais ce sont véritablement Facteur X et puis les X-Men (que j’ai réellement découvert dans l’arc Inferno) qui m’ont rendu accro. J’ai eu des déceptions violentes au fil des années comme lorsque Jim Lee a pris les commandes, puis à son départ, ou lorsque Chuck Austen les a écrit. Toute l’époque post-Joss Whedon jusqu’à Schism m’a laissé de marbre, même si le run de Mike Carey m’avait apporté de l’espoir. Ces dernières années, entre la fin baclée du run de Brian Michael Bendis, celui sans âme de Jeff Lemire et celui bouche-trou de Matthew Rosenberg, j’ai aussi accumulé les déceptions. Pourtant, je n’ai jamais lâché l’affaire. J’attendais que quelqu’un redresse la barre, et c’est arrivé à chaque fois. HOUSE OF X et POWERS OF X forment une seul chef d’œuvre, mais elle est aussi l’étincelle créative qui a alimenté les histoires de Gerry Duggan, de Leah Williams, de Vita Ayala, d’Al Ewing, de Kieron Gillen, de Si Spurrier, et de Zeb Wells. Même WOLVERINE et X-FORCE, ou les récits menés par Tini Howard ont proposé des choses positives et intéressantes. L’arc sur Beast qui devient nazi est incroyable, par exemple.
Je suis un grand fan, et cette époque se termine laissant place à une nouvelle ère avec une nouvelle équipe éditoriale qui semble plutôt vouloir tirer sur la corde nostalgique. L’approche, sur papier, est bien plus proche du dessin animé X-MEN ‘97 comme le montre le numéro gratuit FCBD qui contient une courte histoire de Gail Simone et David Marquez. Le dessin animé a été une réussite, et a touché mon cœur de fan, j’espère que les séries menées par l’éditeur Tom Brevoort y parviendront aussi.
En attendant, je lis ces pénultièmes épisodes en commençant par WOLVERINE #50 dont l’histoire SABRETOOTH WAR ne m’attire guère. Benjamin Percy et Victor LaValle écrivent un épisode où chaque rebondissement est prévisible. J’aurais pu deviner chacun d’entre eux si j’en avais eu quelque à foutre. En plus, le déluge de sang, la partie artistique décevante vu les noms des artistes sur la couverture, et le combat sans fin entre Wolverine et Sabretooth, je me suis ennuyé.
Même si l’épisode n’est pas directement lié à l’âge de Krakoa, Marvel a sorti un one-shot X-MEN: THE WEDDING SPECIAL #1 qui annonce l’arrivée du mois des fiertés. En effet, Mystique et Destiny se marient dans ce numéro avec un épisode décomposé en mini-histoires. C’est sympa.
Les choses sérieuses se trouvent dans RISE OF THE POWERS OF X #5, dernier épisode de la mini-série dans laquelle Charles Xavier doit repousser la menace du Dominion avec pour seules alliées des ennemies des X-Men. R.B. Silva laisse sa place à Luciano Vecchio qui, après RESURRECTION OF MAGNETO, nous émerveille tout le long de cet épisode. Le script ne ménage pas l’artiste qui relève le défi haut la main. Il arrive à synthétiser (et réécrire) des années d’aventures de X-Men en une seule page jusqu’au grand rassemblement derrière Jean Grey, jouissif à mort.
Côté histoire, Kieron Gillen prend la mythologie posée par Jonathan Hickman dans POWERS OF X, celles des X-Men, et y ajoute ce qu’il a mis en place depuis IMMORTAL X-MEN #1. Cela donne un épisode dense en information, mais sacrément bien foutu pour que tout soit perpétuellement recontextualisé. Le grand dénouement est attendu - bien qu’il y ait un léger twist dans la dernière data page -, mais le côté épique et la manière que tout est amené rendent la lecture passionnante. Vraiment, malgré cette perpétuelle sensation que ce final arrive de manière précipitée, Kieron Gillen donne la sensation que ces années à lire l’âge de Krakoa ont servi à quelque chose. En plus, la conclusion semble satisfaisante, ouvrant assez grand la porte pour la suite des événements.
Mais, l’histoire ne se termine pas ici, le final a lieu dans X-MEN #35 qui, dans la continuité, correspond au 700ème numéro de UNCANNY X-MEN, numérotation commencée en 1963. L’occasion était donc rêvée pour clôturer dans un maxi-épisode (un peu bordélique) l’âge de Krakoa et de débuter la prochaine ère qu’on espère toujours au moins aussi bonne, FROM ASHES. J’avoue que la dizaine de pages signées Gail Simone et Jed MacKay au scénario et Javier Garron au dessin ne me donne pas cette impression. La lecture est franchement sympathique, mais nous retournons dans un classicisme un peu déconcertant.
Il suffit de lire la première partie pour faire la différence. Gerry Duggan, Kieron Gillen et Al Ewing proposent une histoire qui permet de voyager dans le futur, sans pour autant quitter l’époque actuelle, une histoire qui en dit long à la fois sur la nature humaine et sur l’histoire des X-Men. Le petit twist à la fin de RISE OF THE POWERS OF X devient central, montrant que le plus grand problème du rêve de Xavier est ses X-Men, et l’apparition d’Apocalypse ne fera que confirmer tout cela.
L’épisode a de multiples objectifs, et la surenchère d’artistes apportent ce côté brouillon, mais il est bourré de bonnes idées. J’aime ce que les auteurs font de Krakoa, j’aime que cela se termine sur l’un des éléments fondateurs de HOUSE OF X, j’aime énormément le tête à tête entre Xavier et Magneto, et j’aime comment les auteurs en terminent avec Xavier. Ces dernières pages sont géniales avec beaucoup de nuances et une belle écriture.
Néanmoins, j’ai l’impression que l’épisode est un tantinet trop long et que l’histoire d’Apocalypse aurait pu être mieux développée en jouant sur la durée. Mais, l’ensemble fonctionne très bien. Pas forcément aussi digne qu’elle aurait dû être, cette conclusion est belle.
Je vous souhaite une incroyable semaine remplie de bons comics à lire et d’une vague rouge illuminant notre pays. À bientôt !